Les ONGs Congolais sur Réhabilitation d'Inga

Date: 
Friday, May 25, 2007
Kinshasa

Nos suggestions pour la réhabilitation et le développement du site d’Inga

Aux membres du Conseil d’Administration de la Banque Mondiale à Washington

Chers et distingués membres du Conseil d’Administrations:

Nous sommes des représentants des organisations non gouvernementales de la République démocratique du Congo qui suivons de près tous les travaux de réhabilitation et/ou d’expansion du site d’Inga. A ce titre, nous avons des préoccupations que nous entendons vous exprimer, espérant qu’il vous plaira de les tenir en compte dans tous les appuis que la Banque Mondiale destine à notre pays.

Nous avons, en effet, par nos propres voies et contre toute attente du gouvernement congolais, participé aux conférences sur Inga, qui se sont tenues, respectivement à Johannesburg et à Gaborone ; et à l’occasion, nous nous sommes clairement exprimés par deux déclarations qui résument l’essentiel de nos attentes relativement à tous les projets de réhabilitation et/ou d’expansion du site d’Inga. Vous les trouverez en annexe.

Chers et distingués membres du Conseil d’Administration, nous apprécions l’intérêt que la Banque Mondiale porte à la RDC, et tous les appuis qui sont envisagés dans les différents secteurs de la vie nationale pour assurer la relance de ce pays, dont vous connaissez le sombre tableau et la misère économique et sociale.

C’est peut-être ici l’occasion de remercier, par vous, la Banque Mondiale pour son accompagnement dans le secteur forestier, dont le rendement nous fait glisser aujourd’hui lentement mais sûrement vers les meilleures perspectives quant à la gouvernance de ce secteur. Nous formulons ici le vœux de voir vos efforts dans ce secteur vital inspirer votre démarche dans les autres secteurs, dont celui des mines et, ici, de l’énergie.

Par rapport au secteur de l’énergie, et spécialement s’agissant des projets INGA, nos suggestions se présentent de la manière suivante:

1° Définir un plan social pour le développement des populations et communautés locales du site d’Inga

L’intervention de la Banque Mondiale pour la réhabilitation de Inga I et Inga II ne devraient pas manquer d’intégrer l’amorce d’un processus de réparation des injustices sociales passées vis-à-vis des populations concentrées dans le camps Kinshasa et des communautés d’ayant droit du site d’Inga. Cette première phase de réhabilitation, qui sera certainement suivie de celle de lancement de Inga III et plus tard de Inga IV devrait aider à définir un plan social pour le développement des populations ; lequel sera mis en œuvre avec les appuis qui seront apportés lors de l’exécution des Projets Inga III et Grand Inga.

Le plan de réhabilitation de Inga I et Inga II devrait mentionner les engagements du gouvernement de la RDC et de la SNEL à associer les populations et communautés locales du site d’Inga et les organisations non gouvernementales qui les encadrent dans la définition et la mise en œuvre du plan social. Nous rejetterons d’office tout plan imposé, qui ne garantirait pas les intérêts sociaux des populations et communautés locales. Le principe de partage des revenues doit être clairement définis dans le plan social, de sorte à garantir le financement des projets d’investissement à caractère socio-économique au profit des populations et communautés locales.

2° L’appui à la SNEL fait appel à l’urgence d’une transparence correspondante

Nous avons appris que la SNEL pourra bénéficier de la part de la Banque Mondiale d’un appui substantiel de plus de 200.000.000 millions de dollars, pour mettre en œuvre les travaux de réhabilitation de Inga I et Inga II. C’est la première fois, avons-nous encore appris, qu’une entreprise africaine bénéficie d’un tel appui de la Banque.

C’est une initiative que nous saluons, pourvu que les sommes mises à la disposition de cette entreprise servent réellement aux fins pour lesquelles elles sortent. Or l’expérience du passé s’agissant de la gestion du portefeuille de l’Etat Congolais nous inquiètent, lorsqu’il faut considérer que les entreprises publiques n’ont d’autonomie que de nom. Leurs dirigeants subissent toutes sortes d’influence venant à la fois du gouvernement et de la Présidence de la République.

La Banque Mondiale a la responsabilité de mettre en œuvre les mécanismes de monitoring et des instruments de contrôle pour garantir que ces sommes ne sont pas détournés et qu’elles profitent réellement au pays et aux congolais, en couvrant effectivement la réhabilitation de Inga I et Inga II.

La Banque est également responsable de garantir, comme en matière forestière, l’implication de la société civile, dans le suivi de l’utilisation des sommes qu’elle met à la disposition de la SNEL et du gouvernement pour financer les projets de réhabilitation et/ou d’expansion du site d’Inga.

3° Le renforcement des capacités de la SNEL et ses agents devrait s’étendre aux organisations de la société civile congolaise

Les organisations de la société civile congolaise associées au suivi des travaux d’expansion du site d’Inga devraient également bénéficier du renforcement des capacités prévu pour la SNEL et ses agents, de sorte à renforcer leur vocation dans le monitoring de nombreuses interventions envisagées dans ce secteur ; missions qu’elles ne peuvent valablement assumer si elles ne sont pas formées et renforcées, au même niveau que les agents de la SNEL.

4° Reclassement du PMEDE de la catégorie B à la catégorie A.

La réhabilitation de Inga I et Inga II a été classée dans la catégorie B, au motif qu’elle ne comporte que des impacts très négligeables sur l’environnement. Nous sommes loin de partager cette conclusion de la Banque. Nous soutenons, au contraire, tout l’argumentaire développé par International Rivers, plus informée que nous sur cette question. Prière de considérer attentivement les explications apportées par International Rivers et y faire droit, en reclassifiant la catégorie retenue par la Banque pour le projet PMEDE.

5° Tout le processus de mise en œuvre des travaux de réhabilitation et d’expansion du site d’Inga doit être conduit dans la transparence et en toute objectivité

La gestion passée de l’aide et des crédits internationaux, des contrats sur les ressources naturelles du pays et des revenus qui en ont résulté a mis à l’épreuve la foi de la population congolaise et des organisations de la société civile dans la capacité des officiels congolais à bien faire. Dès lors, au-delà des mécanismes de contrôle déjà préconisés, tout le processus doit être conduit, de sorte à garantir l’accès à l’information et la transparence absolue, y compris dans les montages institutionnels, techniques et financiers auxquels pourra donner lieu la mise en œuvre des projets Inga.

Les droits de l’Etat Congolais, en tant que propriétaire du site d’Inga, de la SNEL, de la Province du Bas Congo et des populations et communautés locales du site d’Inga doivent être clairement énoncés, pour être respectés en conséquence.

La corruption doit être fondamentalement empêchée d’opérer, plus encore dans la gestion des revenus générés par l’exploitation de l’hydroélectricité du site d’Inga. La société civile n’a pas oublié ce qu’il a été fait, en définitive, des 32.000.000 d’arriérés payés par le République du Congo, dont la destination et l’affectation ne peut en aucune façon être établie à ce jour. Ces genres de pratique doivent disparaître dans les moeurs politiques de notre pays. Et la Banque Mondiale, qui a un ambitieux programme de lutte contre la corruption, est interpellée au plus haut point à traduire son souci à aider le pays à endiguer ce fléau.

6° Publier le rapport sur la gestion des fonds alloués par la Banque à la RDC pendant la transition est un préalable fondamental, avant d’envisager tout autre appui.

Les informations en notre possession font état de l’existence d’un rapport encore interne de la Banque Mondiale sur la gestion passée des fonds mis à la disposition du gouvernement congolais par la Banque Mondiale, mais qu’il y aurait des hésitations à rendre public un tel rapport.

L’on ne comprend pas, dès lors, les hésitations de la Banque à publier ce rapport, dès lors qu’il peut en résulter des informations pertinentes à être capitalisées pour la suite des appuis qui sont encore envisagés au bénéfice du gouvernement congolais.

Nous exigeons donc préalablement à la poursuite de tout appui, y compris pour la réhabilitation de Inga I et Inga II, la publication de ce rapport.

Pour Avocats Verts
Emmanuel PULUPULU
Coordonnateur Délégué
Pour le CEPECO
Pasteur BAKULU
Pour le Réseau REPEC
Augustin MPOYI