10 questions à l'activiste congolaise Blandine Bonianga

Blandine Bonianga
Blandine Bonianga
FESO

Comment êtes-vous arrivée à faire le travail que vous faites maintenant ? 

C'est vers 1998 à katana, un petit village du  Sud Kivu où j'étais avec mon mari que j'ai constaté la condition pénible de la femme en milieu rural. Celle-ci porte la responsabilité de l'entretien de la famille pendant que les hommes s'adonnaient à la boisson traditionnelle (le kasiksi) et à la pipe. Elle devait faire des kilomètres pour aller puiser de l'eau, porter un enfant sur le dos, faire la cuisine.

Outres ces charges familiales, la femme était aussi l'objet de violence, y compris du viol, dans l'impunité générale. 

Mon action a commencé par la sensibilisation d'un groupe de femmes à l'église, à Katana, avant de créer la FECODES (Association "Femme Congolaise pour les Droits Economiques et Sociaux) lors de notre déplacement vers le Centre-ville.  

Comment vous êtes-vous intéressée/impliquée au travail de FESO.

En 2015, j'ai été convié à une réunion de restructuration d'une synergie de femmes dont l'ancienne directrice venait de partir vers d'autres projets personnels. C'est ainsi que, suite à mon esprit d'initiative et mon engagement dans d'autres activités de femmes, je fus invitée par le Conseil d'administration à lui succéder. Par la même occasion, FECODES rejoignait la Synergie. 

Que faites-vous à FESO ?

En tant que Directrice Exécutive, je gère l'organisation  au quotidien conformément aux orientations du Conseil d'Administration. Je représente auprès des tiers, et je prends part moi-même aux activités de terrain, jusque dans les milieux ruraux les plus reculés.

Blandine Bonianga
Blandine Bonianga
FESO

J'ai appris que vous avez récemment un mouvement qui s'appelle Solidarité des Femmes sur le Fleuve Congo. Pouvez-vous nous en dire plus ?

La Solidarité de Femmes sur le Fleuve Congo, "SOFLECO" en sigle, est une organisation récente des femmes vivant en milieu rural et particulièrement au bord du fleuve Congo et ses affluents.

La vie des populations vivant le long des cours d'eau est fortement liée à ceux-ci. La modification de l'environnement affecte positivement ou négativement les populations riveraines. Des projets gigantesques tels que le barrage d'Inga, n'ont pas forcément tenu compte de leur impact sur la vie des populations.  Par exemple, les pollutions d'eaux qui émanent de ces projets affectent les conditions de vie des populations riveraines. 

Le rôle de FESO a été d'informer les femmes de ces contrées sur les enjeux de la construction du barrage d'Inga et les sensibiliser à se prendre en charge. C'est de cette action qu'est née la SOFLECO, organisation autonome, bénéficiant toutefois de l'encadrement technique et du soutien financier de FESO. Leurs objectifs sont : 

¢ L'autonomisation de la femme;

¢ La lutte de la femme au bord des rivières et du fleuve Congo en particulier;

¢  La protection des rivières; 

¢ La protection du fleuve Congo et le droit des communautés locales au bord du fleuve.

Les femmes congolaises ont-elles une relation particulière avec les rivières ?

Non seulement les femmes, mais tous les peuples d'Afrique équatoriale ont une relation particulière avec les fleuves et les rivières. Toute la vie est liée à l'eau d'une manière ou d'une autre : arrosage, fertilité de la terre, nourriture (poisson), navigation, y compris sur le plan religieux. 

La disparition des rivières congolaises occasionnerait la disparition d'au moins 60% de communautés locales. Voilà pourquoi nous avons tout intérêt à protéger ce patrimoine du Congo.

Pourquoi ce mouvement est-il si important en ce moment ?

Les ONG et les organisations bureaucratiques viennent en appui, mais ne peuvent remplacer les populations rurales dans la lutte pour leurs droits. En plus, ces populations sont les mieux placées pour connaître les problèmes liées à leur environnement, problèmes qui ne sont pas qu'écologiques ou géographiques, mais aussi économiques et culturels. 

La mission que s'assigne FESO ici est de sensibiliser, puis accompagner les personnes vivant les violations des droits humains pour qu'elles se prennent en charge. 

Blandine Bonianga
Blandine Bonianga
FESO

Que pensez-vous réaliser à travers ce mouvement 

Nous voulons, à travers ce mouvement, amener les populations rurales, et en particulier les femmes, à devenir activiste, c.-à-d. à s'engager dans la lutte pour leurs droits. 

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes qui pensent devenir activistes ?

Nous leur demanderons 1) de savoir travailler en groupe 2) de se former, dans la mesure du possible, dans les matières en rapport avec l'activisme 3) de forger leur caractère, car l'activisme n'est pas un travail facile ; il oblige à lutter contre des systèmes établis, donc rencontre beaucoup de résistance.

Aviez-vous eu une forte relation avec une rivière pendant votre jeunesse ? 

Je suis originaire de l'équateur et dans mon village auprès du fleuve, nous vivons et nous dépendons de ce fleuve. Ma grand-mère était pêcheur, ainsi mon attachement au fleuve est naturel. 

Qu'est-ce qui vous inspire ? 

Je suis inspirée par diverses sources : les valeurs chrétiennes d'égalité, les femmes militantes comme Angela Davis et Rosalyn Park, ou encore plus récemment Angela Merkel. 

Date: 
Monday, March 5, 2018